mardi 20 février 2007

Carnaval (7)


Le dernier épisode de Carnaval ... Mardi Gras, le sacre du Carnaval de Binche. Les Gilles sont enfin de sortie. Depuis 4 heures ce matin, les tambours résonnent dans la ville. Les sabots claquent sur les pavés.

Ayant eu la chance de vivre le carnaval de l'intérieur, je garde un excellent souvenir. Invité par un Gille, j'ai participé aux préparatifs matinaux. J'avoue, le 1er verre de champagne à 5h45 est un peu dur à faire descendre. Mais le moment est solennel, le bourrage du Gille est intime et le partager est magnifique. De loin, on entend un tambour, certainement le ramassage et nous voici en route pour aller en chercher d'autres. De maison en maison jusqu'au local pour le petit déjeuner. Il se fait aux huitres. Perso, ça ne passe déjà pas en temps normal alors penses-tu, à 7h du mat', c'est impossible mais ouf, on avait le choix avec du saumon fumé.

Le reste de la matinée nous fait déambuler dans les rues de la ville, de café en café avant le rondeau du matin sur la place où tous les Gilles mettent leur masque de cire pour casser toute image sociale et ainsi se ressembler. Les cérémonies proticolaires suivre à l'Hôtel de Ville.

Le reste de la journée, je le laisse au site de te le présenter. Demain, les vidéo seront en ligne pour te faire partager les journées de lundi et mardi. Les récits officiel de carnaval sont issus du site officiel: ICI

Le Mardi Gras

Avant toutes choses, il faut bien noter que le Mardi-Gras est le seul jour où l'on peut voir les Gilles, les Paysans, les Pierrots, les Arlequins et, auparavant, les Princes d'Orient et les Marins, en costume traditionnel.

Le plus long jour de l'année, le plus beau aussi. Le coeur des Binchois bat d'un autre rythme en ce jour. Il vit au rythme des tambours, de la musique et du pas cadencé. Très tôt le matin, les maisons s'allument et l'effervescence commence. Les esprits sont entièrement au service du Carnaval. Dès trois heures du matin, les bourreurs font leurs tournées, de maison en maison, de Gille en Gille, pour contribuer à la naissance du roi du jour. Tout un petit monde s'affaire autour du personnage. L'épouse, l'amie ou la mère prépare l'habillage, met le mouchoir de cou (ou foulard de cou) qui protégera le Gille des coupures de la collerette, aide son époux à enfiler la blouse, s'inquiète du bien du Gille. L'attente du bourreur est parfois stressante. "Dans une demi-heure, on vient déjà me chercher et le bourreur n'est toujours pas là". Les invités qui auront le privilège d'assister à l'habillage de leur hôte sont déjà là, impatients de vivre le Carnaval avec des Binchois, directement dans le feu de l'action.

Lorsque le bourreur arrive, la "cérémonie" peut enfin commencer. Par des gestes traditionnels, il prend la paille, la froisse pour en faire des torquettes. Celles-ci, placées minutieusement sous la blouse formeront la structure des deux bosses. La sensation ressentie par le Gille lorsque la première torquette est mise en place est inexprimable. C'est à ce moment que l'on se rend compte que c'est le plus beau jour de l'année. Les plus sentimentaux verseront peut-être une larme de joie. Une telle expression de bonheur n'est sans doute pas compréhensible pour des gens ignorant tout ces rites ancestraux. Mais la dernière des choses à faire est de s'en moquer. Servir une tradition est pour le Gille beau et noble.

Le bourrage terminé, l'épouse achève les préparatifs. Elle applique avec soin la collerette sur les épaules, attache avec douceur le noeud à la collerette, met la barrette, ce bonnet blanc, sur la tête qu'elle entourera du mouchoir de cou plié précautionneusement et noué dans les règles de l'art. Les hanches du Gille sont ceintes de l'apertintaille aux sonnailles mystérieuses. Cela se termine par la mise en place du grelot sur le plastron de la blouse.

Lorsque par après, d'autres Gilles viennent chercher leur partenaire dans la profondeur de la nuit, celui-ci offrira le verre de champagne, le premier de sa journée (tradition bourgeoise provenant du siècle passé). Embrassades et sourires sont la preuve, à ce moment, que le Carnaval fait gonfler le coeur de chacun. Ce sera aussi l'occasion de danser au son des tambours et d'un pipeau ou d'une flûte l'Aubade matinale. Cet air ne se joue que le Mardi-Gras au matin.

Puis, le ramassage reprend et l'on se rend dans une autre maison, celle d'un autre membre de la société. Le groupe augmente et le nombre de personnes suivant les Gilles gonfle avec lui.

Ces premières heures du Mardi sont, de l'avis de tous, les plus belles, celles à ne pas manquer pour ne pas rater le sens d'un folklore cher aux Binchois. Les couleurs blanches des barrettes et des collerettes dans le noir de la nuit sont un spectacle de contrastes merveilleux. Le tout rythmé par le claquement des sabots et le tintement des apertintailles qu'accompagnent un seul tambour et caisse. Les ramons, parfois, s'envolent vers une connaissance pour le saluer et lui souhaiter bon Carnaval.

Vers huit heures, les groupes se rassemblent dans le haut de la ville pour former la société au complet. Certains vont déguster, en guise de petit déjeuner, une assiette d'huîtres dans un restaurant du quartier de la gare. Mais il ne faut pas croire qu'il s'agit là d'une généralité.

A partir de là s'entame la "descente" vers le centre de la ville pour se rendre à l'hôtel de ville où les sociétés sont reçues par le bourgmestre. Vers dix heures, en arrivant dans ce qu'on appelle le bas de la ville, les Gilles mettent leur masque. C'est ainsi qu'ils ont l'air mystérieux, tous issus de la même origine, martelant le sol du même pas cadencé. Aux arrêts, les épouses ou les mères, tiennent dans leurs mains, avec précaution, les masques, dans un mouchoir blanc afin de le protéger et d'en essuyer la sueur.

Lorsque la société arrive devant l'hôtel de ville, sur la Grand'place, elle fait un rondeau avant d'entrer dans celui-ci, en attendant que la Salle de Mariage se vide de la société présente. Dès qu'elle entre dans l'hôtel de ville, les sabots claquent de plus belles sur le carrelage de la salle. Après avoir ôté leur masque, les Gilles écoutent attentivement le bourgmestre pour la célébration des jubilaires. Chez les Paysans, on fête les jeunes ayant fait le Paysan durant douze années. Pour les Pierrots, cela se limite à six ans car ce ne sont que des enfants de primaires qui sont membres de cette société. Pour les Gilles et les tamboureurs, on trouve des jubilaires de vingt-cinq, quarante, cinquante et soixante ans. Cette réception se fait en présence des invités des édiles communales. Après que le bourgmestre ait lancé son traditionnel "Tambours !", ceux-ci se mettent en branle et la société sort pour laisser la place à la suivante.

C'est ensuite qu'à lieu la dislocation. Chacun rentre chez lui, accompagné d'un tambour car le Gille ne se déplace jamais sans tambour. Par petit groupe, la société se disperse pour se reformer, après le repas, vers quinze heures, pour le départ du cortège.

C'est pendant ce cortège que l'on peut découvrir les Gilles avec leur coiffe majestueuse, ce chapeau aux plumes d'autruches qui semble flotter au-dessus du chef de son propriétaire. Les plumes gonflées par le frisage donnent une impression de majesté aux Gilles. C'est aussi à cette occasion que ceux-ci ont troqué le ramon pour le panier en osier. Celui-ci rempli d'oranges se videra à force que la pluie d'orange avance. Le Gille puise dans son panier pour offrir l'orange aux visiteurs amassés tout au long de la grand'rue. Les mains se tendent pour attraper cette offrande. Les appels se font pressants pour en obtenir de la main même d'un Gille. Celui-ci, alors, tend son panier vers le quémandeur. Il en fait de même pour les connaissances qu'il rencontre tout au long du trajet. Cette offrande explique le fait qu'il est interdit de relancer les oranges aux Gilles. Cela serait pris comme le refus d'un cadeau. Les oranges de réserve sont portées par des porteurs attitrés, dans des sacs et non pas dans des charrettes ou dans des camions comme on en voit dans d'autres carnavals. Auparavant, les Gilles, en lieu et place des oranges, distribuaient des noix, des oignons, des pommes, …

Les sociétés évoluent ainsi, l'une à la suite de l'autre, au son de la musique, en direction de la Grand'place. Là, les musiques et les tamboureurs de toutes les sociétés uniront leurs efforts afin de jouer pour tous les Gilles dansant en un rondeau mémorable, spectacle inoubliable autour de la Grand'place.

Après quelques tours, les musiques s'arrêtent et des tambours se mettent en route pour conduire les Gilles vers leurs locaux ou d'autres endroits pour y prendre un bref repos, changer de barrette et de mouchoir de cou pour toujours faire preuve de fraîcheur.

Ils se mettent ensuite en route vers le point de départ du cortège du soir, le cortège aux lumières. Il suit le même trajet que celui de l'après-midi mais les Gilles n'ont plus de chapeau et dansent avec leur panier retourné, dressé vers le ciel. Tout au long de ce pèlerinage, les feux de Bengale projettent les ombres énormes des officiants de ce rituel sur les murs des maisons, des fontaines de lumières s'embrasent à l'approche des sociétés.

Lorsqu'ils arrivent sur la Grand'place, ils se tiennent l'un l'autre par le panier dressé et tournent ainsi en un rondeau qui ne s'arrêtera que lorsque le feu d'artifice se terminera. Celui-ci est bien souvent très beau. Des plafonniers surmontent la Grand'place et crachent leur lumière vive sur celle-ci. Les fusées montent vers le ciel pour épanouir leurs corolles multicolores. Le bouquet final est le signal déclenchant le regard des gens vers le panneau "Plus Oultre" qui s'illuminera dans un esprit de fête. Plus Oultre, la devise de la ville de Binche. C'est toujours un moment pathétique.

Comme l'après-midi, les sociétés vont prendre un peu de repos avant de se remettre en route.

Vers vingt-trois heures, les derniers rondeaux du Carnaval, en musique, tout comme le Dimanche-Gras à pareille heure. Après celui-ci, aura lieu la dislocation des musiques et les cuivres arrêteront. Seules les batteries se feront entendre à travers toute la ville et même au-delà.

Le Carnaval se termine bien souvent vers cinq ou six heures du matin, le Mercredi des Cendres. Encore une fois, le Gille est raccompagné chez lui par un tambour puisqu'il doit être rentré avant que le jour ne se lève.

Le Carnaval d'une année est fini, sans doute, mais déjà, celui de l'année suivante est en train de naître. Il ne quitte jamais entièrement l'esprit des Binchois.

3 commentaire(s):

Anonyme a dit…

C'est tout à fait comme ça, j'ai vu le reportage au JT, avec les mangeurs d'huîtres à l'aube....
Au secours!

Sacrée ambiance, en plus une météo du tonnerre,je râle de n'avoir pu voir ça en Live cette fois encore
:-((

Et toi, t'as pas mal au crâne ?

Anonyme a dit…

Ah oui quand même, champagne à 5h45 du mat' et huitres au petit déj, faut être motivé...

Sympa le reportage

Olivier a dit…

>Myriam> Wep cela a été sympa! Mais je n'y ai pas participé car boulot et puis entrainement ... Ce dimanche , on remet ça dans mon ancienne commune et commune actuelle ... ;-)

>Euqinorev> Et oui, c'est toute la beauté de tradition